Mon portable siffle d’un texto de Cam. Je serai deux ce soir. Comment ça deux ? Et ça veut dire quoi deux ? Elle précise ses mots. Je suis avec Louise, tu sais, ma vieille copine.

Louise, le retour ! Camille va débarquer ce soir avec elle. Son ancienne copine… Pourquoi elle me la ramène à l’appart ?

Des paroles sur le palier et le bruit de la clé dans la serrure. Camille et sa fameuse copine. Elle s’approche de moi et me colle un gros bisou.

– Je te présente Louise. Louise, Maxime.

On se fait la bise. Qu’est-ce qu’elle vient foutre dans mon décor, cette nana ? Bon, il faut que je sois sympa, c’est la première fois que Cam ramène quelqu’un.

– Installez-vous, j’apporte les verres.

Je ripe à la cuisine, sors le matériel du placard et paf ! Un verre s’explose sur le carrelage. Camille arrive en courant.

– Eh ben…

– Il m’a échappé.

– Attends, je vais faire.

Elle chope la pelle, la balayette et ramasse mes maladresses. La cuisine est tellement petite que ça prend à peine deux minutes. Elle me regarde et me prend la bouteille des mains.

– Donne, je vais l’apporter.

J’ai droit qu’à une seule connerie ? Je la suis avec les verres. Dans le salon, Louise nous attend, bien sagement assise dans un fauteuil. Je me pose dans l’autre et Cam, sur le canapé.

– Alors, tu deviens quoi ?

– J’ai repris mon boulot mais surtout je me suis calmée.

De fait, elle n’a pas l’air franchement excité…

– Calmée de quoi ?

– Louise était débordée. Elle faisait tout en même temps. Trop de chose et plus le temps de vivre pour elle.

Cam a une voix particulièrement posée ce soir.

– Ah…

De ma place, j’ai vue sur les deux. Juste à tourner un peu la tête. Mais comment elle l’a retrouvée cette femme ? On était bien sans elle.

– Je te sers ?

Louise tend son verre, Camille le remplit, puis le mien et le sien.

– Et tu vis comment ?

De quoi je me mêle ? Mais j’aimerais bien savoir quand même. J’espère qu’elle n’est pas venue dans l’idée de récupérer Cam…

– Ben, je vis… Je vis… Je ne sais pas… Je vis, c’est tout…

Ah, ben, je suis bien avancée avec une réponse pareille !

En chaussettes, je me racrapote sur le fauteuil, les jambes en tailleur sur le coussin, mon verre sur l’accoudoir.

– Attention !

Le mot de Cam et il bascule sur le tapis. Deuxième connerie !

– Et merde…

Quelle maladroite je fais… Mais je suis perturbée ! Camille nettoie, encore une fois.

– Je vous invite à dîner. Vous connaissez un resto sympa dans le coin ?

On ne connait que ça, des restos sympas. Mais sortir est une bonne idée. Louise chez moi, ça ne me va pas du tout ! On finit nos verres et on se lève pour aller bouffer.

Sur le trottoir, Cam marche entre Louise et moi.

– On va aux Grandes Banquettes ?

– Non, pas celui-là !

– Ben pourquoi ? C’est bon.

Oui, c’est bon, mais comment s’installer dans ce resto ? Qui est en face de qui, à côté de qui ? Je ne veux pas, je veux… Fait chier ce dîner… Je veux…

– Une table ronde, ce serait plus chouette.

Ma proposition juste pour pouvoir les voir toutes les deux sans qu’elles soient collées l’une à côté de l’autre.

– Une table ronde ? Bon, alors c’est le kurde.

Je n’avais pas pensé à ce resto, je saute sur la trouvaille de Cam.

– Ben, c’est très bien le kurde !

Demi-tour, c’est dans l’autre sens. Camille est toujours entre Louise et moi.

On franchit la porte. Pourvu qu’il reste une table ronde pour nous ! La nana du resto nous installe à une table suffisamment grande. Elles ne seront pas trop près l’une de l’autre comme ça. On se pose, la fille nous apporte les cartes.

– Un apéritif ?

– C’est déjà fait.

On choisit.

– Alors Louise, raconte !

– Je ne sais pas, tu veux que je commence par quoi ?

– Par le début !

Elles rigolent, je me tais. Pff… Qu’est-ce qu’il y a de drôle à commencer par le début ? Mes mains s’agitent entre mes genoux. Cam le voit.

– Détends-toi, Max.

– Mmm…

Louise sourit. Camille semble bien. Je suis mal, j’ai peur peut-être. Mais peur de quoi ? Elle est tellement moche avec sa gueule défoncée ! Pourquoi je m’inquiète autant ? Je ne sais pas vraiment… Les jambes de Cam sont trop loin, je ne peux pas la toucher sous la table sans me contorsionner.

– Bon, tu racontes ?

Lire la suite

Cette nouvelle fait partie du recueil « Le blouson » qui comprend :

Le blouson – Cinquante et plus – L’annonce – Chahut – Son ex – Passion