Je suis chez Camille et elle m’appelle en tout début d’après-midi.

– Tu pourras mettre un couvert de plus ce soir.

– Oui, pour qui ?

– Je ramène une copine.

– Ah…

Je me fends d’un repas mijoté et d’un gâteau au chocolat. Je ne sais pas qui c’est la nana, mais bon… Si Cam me le demande, je le fais.

L’heure avance et le dîner est prêt. Qu’est-ce qu’elles foutent ? Jamais Cam ne traîne comme ça ! J’attends, j’attends… Je l’attends…

Le salon… Du canapé au fauteuil, du fauteuil au canapé. Un bouquin, je vais lire un bouquin. J’en parcours les lignes mais je ne comprends rien de ce que je lis…

Mon gâteau, c’est le moment de le sortir du four.

– Merde, trop cuit !

Voilà qu’à attendre, je parle toute seule… Je me brûle les paluches, aïe, aïe, aïe !

C’est long le temps qui ne passe pas. Et Cam toujours pas arrivée. C’est qui l’invitée ? Je la connais ? Sûrement pas, sinon elle m’aurait dit son prénom au lieu de me dire une copine. En attendant, je peux imaginer ce que je veux…

C’est une fille qu’elle a connue il y a longtemps et qu’elle a croisée ce midi dans la rue ?

C’est une fille avec qui elle déjeune tous les jours au boulot et elle ne me l’a pas raconté ?

C’est une fille…

Je ne sais pas… Il faut que j’arrête de me torturer les neurones. C’est juste une fille !

Mon gâteau refroidit tout doux, sur la fenêtre… Un peu cramé mais tant pis…

Toujours pas rentrée. Des idées noires dans ma tête…

Elle va me planter pour l’autre si ça se trouve !

 

Ah, la clé dans la serrure. Cam, enfin !

– Coucou Max.

Je me lève du canapé.

– Entre !

La fille franchit le pas de la porte.

– Bonsoir.

– Max, je te présente Louise.

– Bonsoir Louise.

La femme se tourne vers Cam.

– Je pensais que tu vivais…

Elle laisse sa phrase en suspens, mais je devine la fin. Que tu vivais seule, qu’on serait que toutes les deux… Ben c’est raté, je suis là !

Elle a une voix très douce. Ses mots sont presque tout bas. C’est chantant aussi… Un petit accent du sud ? Je la regarde de haut en bas. Élancée, bien foutue. Ah, elle sourit… Waouh, fondant le sourire ! Bon, il faut que je me calme. D’où elle la sort celle-là ? Je vais bien finir par le savoir… Camille prend les choses en main.

– Posez-vous dans le salon, j’arrive.

Mais pas pour longtemps, elle disparaît déjà. Je regarde la nana et lui souris comme je peux.

– Ton prénom, je n’ai pas bien compris…

– Maxime.

– Ah, c’est drôle, c’est rare pour une femme, Maxime.

– Je suis tellement habituée à l’entendre que pour moi, ça n’a rien d’exceptionnel.

– Quand même, ce n’est pas fréquent.

– C’est là que commence mon originalité !

– Peut-être…

Comment ça, peut-être ? C’est qui cette nana pour me dire ça ? En tout cas, elle est super canon, ça, c’est indéniable. Camille réapparaît, elle s’est changée et apporte à boire.

– Ça sent trop bon dans la cuisine.

– J’ai préparé une épaule de cinq heures et un dessert.

– Hum…

– L’agneau, ça me rappelle quand j’étais au Moyen-Orient.

– Pour quoi faire le Moyen-Orient ?

– Je travaille pour une boite qui édite des guides alors je vais sur le terrain.

– Ah… Ils ne sont pas déjà tous édités les guides ?

– Ça dépend comment tu voyages. Pour les hôtels ou les sites touristiques, il y a les gros éditeurs et surtout internet. Mais pour les villages oubliés, les petits endroits du fin fond des montagnes, il y a beaucoup moins de monde. Alors moi, je suis là !

– Mmm…

– J’irai bien aux toilettes, c’est où ?

– A gauche, au bout du couloir.

La copine se lève et dérape pour se soulager.

– Tu la connais d’où cette nana ?

– Au bureau, elle est venue passer la journée chez nous.

– Tu n’es pas dans l’édition de guides touristiques !

– Elle venait chercher des photos. Ils avaient fait un reportage, il y a longtemps, sur un coin perdu d’Afrique Centrale.

– Et c’est dans ton bureau qu’elle a échoué.

– Je l’ai juste croisée dans les couloirs et à l’heure où je pars déjeuner, elle attendait, en fumant sa clope sur le trottoir. Alors on a discuté un peu.

– Ah…

La voilà qui revient dans le salon. Elle se pose dans un fauteuil, les jambes croisées. Elle nous affiche sa plus belle banane. Craquante !

– Vous voyagez, vous ?

– On ne va pas très loin, Max déteste prendre l’avion.

– De fait, ça limite !

J’essaie de rester zen.

– Ça dépend de ce qu’on cherche… Cam non plus n’est pas fan de l’avion.

– De fait, ça m’arrange bien que tu aies peur dans les nuages.

Je me sens moins isolée dans mon incapacité.

– Alors, vous voyagez où ?

– On va en Grèce, on monte en Norvège, on descend en Espagne, ça dépend des envies du moment.

– Et du temps dont dispose Cam.

La fille me regarde.

– Tu travailles dans quoi, toi ?

Mais quelle question !

– Je bouche les trous…

– Comment ça ?

– Je fais de l’intérim.

– Ah, la galère ! Tu n’as pas de boulot fixe ?

– Ben non, mais je n’en veux pas ! Là, c’est juste quand j’en ai envie. C’est le côté pratique de l’affaire.

– Vu comme ça…

Camille nous refait le niveau.

– On mange quand vous voulez, c’est prêt de toute façon.

– Tu as faim, Louise ?

– Ça vient doucement, oui.

On reste vautrées dans le canapé et les fauteuils. Un moment et plus de mots. Louise bouge sur son siège.

– Je peux enlever mes chaussures ?

C’est tout ? Que les chaussures ?

– Si tu veux, oui.

La voilà qui se penche et son décolleté nous laisse entrevoir la naissance de ses seins. D’une main, elle ôte ses escarpins. Ses pieds nus se posent et les doigts s’écartent en caressant le tapis.

– Moi, j’ai besoin de partir loin…

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Cette nouvelle fait partie du recueil « Trois semaines » qui comprend :

Trois semaines – Samuel – Les mômes – Reflet – Voyages.