J’attends Camille. D’ici une petite heure, juste le temps de ranger le bordel qu’on a laissé… La vaisselle… La vache, qu’est-ce qu’il y en a…

Ça gratte à la porte. Cam ! Petite mine défaite, mais qu’est-ce qu’elle a ?

– Ça ne s’est pas bien passé ?

– Elle me fait chier.

– Qui ? De qui tu parles ?

– De Louise…

– Encore elle !

– Ce n’est plus possible !

– Dommage qu’il n’y ait que toi qui le saches…

– Je n’en peux plus.

Elle est presque à pleurer en face de moi.

– Il faut que tu arrêtes. Qu’elle se démerde toute seule… Ils vont bien se rendre compte que c’est qu’une brelle.

– Mais c’est pire que ça !

Je la regarde, elle a les yeux tristes, dans le vague, les mains dans les poches, les épaules relevées. Pauvre Cam… Que faire ?

– C’est quoi le pire ?

– Qu’elle ne sache pas travailler, c’est une chose… Mais qu’elle me nique mes journées et qu’elle s’approprie mon taf…

– Un petit arrêt maladie, ça te dit ?

– Mais je ne peux pas leur faire ça ! Qui fera le boulot ?

– Ben elle ! Elle sera bien obligée.

– Pff…

Elle se jette sur moi. Sa tête vient direct se cacher dans le creux de mon cou. Mes mains remontent dans son dos.

– Je vais chercher du travail et toi, tu te poses un peu, ok ?

Elle ne répond pas.

– Une chance que vous ne soyez pas dans le même bureau.

– Mais si, on est dans le même…

Elle dit ça d’une toute petite voix, je l’entends à peine. Mais je la sens contre moi, molle dans mes bras.

Un petit rosé pour la faire patienter, je prépare à dîner.

La douche et dodo direct.

 

La cafetière s’ébranle dans la cuisine, je n’ai pas entendu le réveil. Elle dort encore. Je vais sortir les tasses sur la petite table et reviens la réveiller en glissant un doigt sur sa joue.

– Cam, ton café t’attend.

– Mmm.

Elle se tourne dans le lit et remonte la couette jusqu’à ses oreilles.

– Tu vas taffer ou tu veux rester là ?

Elle dégage la bouche.

– Je ne sais pas…

Et remonte direct la couette.

– Reste-là. Je les appelle… Je dis que tu ne peux pas venir… Que tu es malade…

Elle la repousse d’un coup et se lève.

– Je vais y aller !

 

Les jours passent et elle dépérit. Chaque soir avec une expression plus fatiguée que la veille.

– Encore une journée de merde ?

– J’en ai marre…

– Tu ne vas pas te laisser pourrir la vie par cette meuf !

– Et comment faire autrement ?

Il faut que je trouve un truc pour elle ! J’appelle le toubib et lui prends rendez-vous.

– Tu as rencard avec le médecin demain soir, à la sortie de ton taf.

– Pourquoi tu as fait ça ?

– Pour que tu reviennes avec un arrêt !

 

Ce soir, Camille revient complètement retournée du boulot.

– Ben ma belle, c’est quoi aujourd’hui qui te met dans cet état ?

– C’est toujours l’autre débile. Tu ne sais pas ce que le boss m’a dit ?

– Ben non…

– De faire un effort !

– Un effort de quoi ?

– Pour que ça se passe bien avec Louise… C’est moi qui dois faire un effort !

– Il a de la merde dans les yeux ton boss, ce n’est pas possible.

– Je me demande avec qui elle couche l’autre pétasse ?

– Elle est mignonne ?

– Grosse…

– On peut être grosse et mignonne à la fois, ça ne gêne pas…

– Moche, moche, moche et moche !

– Bon, ça, c’est dit ! Ton rencard chez le toubib, au fait ?

– Ah, merde, j’y vais.

 

Retour triomphant en brandissant la feuille orange.

– Deux semaines d’arrêt !

 

C’est à moi de me bouger maintenant. Dès le matin, j’enchaîne les rues et les agences. Celles où j’ai mes habitudes et d’autres.

Il est déjà onze heures ! La troisième agence me propose quelque chose de bien, pile dans mon domaine. Je me branche dessus, montre le maximum de motivation dont je sois capable. On fait les papiers et là, je découvre la boite demandeuse. Merde ! La taule de Cam… J’y vais, je n’y vais pas ? Je signe, je ne signe pas ? Je ferme les yeux… Allez, je prends !

– Vous commencez lundi à neuf heures.

Je lui en parle, à Cam ?

– J’ai trouvé un taf.

– Ah ! Et tu démarres quand ?

– Lundi, neuf heures pétantes.

Elle retrouve un peu de gaieté. Ses yeux s’éclaircissent.

– C’est loin ?

– Pas trop, non…

Du coup, avec la perspective de mon boulot, on sort dîner dehors. Le resto où on a nos petites habitudes.

Trop mangé, un peu trop bu aussi, en arrivant à l’appartement, on se pieute direct.

 

Week-end serein, Camille commence à respirer un peu. Elle sourit enfin.

Le petit déjeuner, la douche et les fringues sur le poil. Je pose la main sur le loquet de la porte et déjà, son sourire s’en va.

– Si c’est trop chiant, Max, tu m’appelles.

– Ne t’inquiète pas… Repose-toi.

Je me pointe à l’entrée. Des gens trainent leurs pompes partout. Des bouts de discussions et la nana de l’accueil…

– Je viens pour le remplacement, c’est l’agence qui m’envoie.

– Ah, attendez, j’appelle le responsable.

De fait, j’attends. Un mec se ramène devant moi.

– Vous êtes de l’agence…

– Oui, je dois commencer ce matin.

– Très bien, suivez-moi.

Je suis le mec, l’ascenseur et le troisième étage.

– Vous connaissez la suite Adobe, je présume ?

– Je travaille très régulièrement avec…

– Bien, bien, je vous montre le bureau.

On s’enfile un couloir et il se stoppe devant une porte. Il est interpellé par une femme.

– Attendez, là je ne peux pas, tout à l’heure.

Il abaisse la poignée, fermé ! Il se tourne vers moi.

– Madame Kabarde n’est pas arrivée… Bon, je vous installe, elle ne va pas tarder.

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Cette nouvelle fait partie du recueil « Le blouson » qui comprend :

Le blouson – Cinquante et plus – L’annonce – Chahut – Son ex – Passion