Début d’été, le soleil revient et Camille prépare ses affaires. Elle doit partir dans le sud pour un rassemblement familial. Ça la gave, tous les cousins qu’elle ne connait même pas… Mais il faut qu’elle y aille, sinon sa mère serait contrariée ! Elle est dans la chambre, pliée sur son sac, quand son portable vibre sur la table du salon.
– Tu peux regarder, Max ?
Je me saisis du téléphone et découvre le nom qui va la faire criser.
– C’est ta mère !
– Ah, là, mais qu’est-ce qu’elle me veut ?
– Elle demande à quelle heure arrive ton train.
– Parce qu’elle va venir me chercher à la gare ?
– Tu ne vas pas y aller à pied, non plus !
– Je voulais prendre un taxi pour m’éviter son discours…
– Raté ! Je lui donne l’horaire ?
– Non ! Ne lui réponds pas… Je me débrouillerai.
– Comme tu veux…
Elle ferme la zipette et relève le nez de son gros sac.
– Je suis prête.
– Fais pas cette tête, c’est juste quelques jours !
– Quelques jours… Oui… Mais ça me gonfle déjà…
On passe un pull quand même, il est encore tôt, et on dégage de l’appartement.
L’attente du bus qui va nous emmener à la gare. Ce n’est pas qu’elle soit loin ! Une quinzaine de minutes à pince, tout au plus, mais son sac est trop lourd.
Sur le parvis, on fume une dernière clope avant de chercher le quai.
– Aix, voie 12.
– Tu viens avec moi ?
– Je ne suis pas invitée…
– Qu’est-ce qu’ils ont besoin d’habiter si loin aussi.
– Ça t’évite de les croiser ici un jour sur deux !
Elle a vraiment une mine défaite.
– Allez, ne fais pas la gueule, tu vas voir tous tes cousins que tu n’as jamais vus.
– Mais je m’en fous de ces gens !
– Ils vont tellement te raconter de conneries, que tu auras plein de trucs à me dire. Allez, ça peut être marrant…
– Pff…
– Si tu t’emmerdes, tu m’appelles. Tu m’envoies des textos.
On est sur le quai, devant son wagon. Des gens nous bousculent pour passer. Je la sers dans mes bras. Un gros bisou, elle monte. Je ramasse le sac.
– Cam, ton sac !
Elle se retourne, le regard étonné sur son bagage que je lui tends.
– Ça commence bien…
– Je mesure là ton envie !
Elle l’attrape et disparaît dans l’allée centrale. Je marche le long du wagon en la regardant chercher sa place. Elle se pose, je me stoppe. Elle pianote sur son portable et ça vibre dans ma poche. Un premier texto, elle s’emmerde déjà ? Plein de gros bisous ma belle. Elle est mignonne. Pour toi aussi… Courage ! L’annonce du départ du train, les portes se ferment. Elle s’en va, je reste sur le quai. Je me pose sur un banc et allume une cigarette. Des agents de la gare arrivent.
– Vous n’avez pas le droit de fumer ici, madame.
– Je sais, oui, mais j’en avais trop besoin.
– Allez ! Allez fumer à l’extérieur.
Je jette ma clope sur les voies et quitte le quai.
Je traîne des pieds sur le parvis de la gare et finis par rejoindre les trottoirs qui me ramènent jusqu’à l’appartement.
Camille n’est plus là, qu’est-ce que je vais faire sans elle ?
Mon portable me réveille alors que je suis étalée sur le plumard. Bien arrivée… Tu fais quoi ? Je ne fais rien. Je pense très fort à toi. Je me lève, il faut quand même que je me bouge un peu.
Dans le salon, j’allume l’ordinateur. Je n’arrive pas à écrire, je n’ai pas d’idées. Alors, je mate des photos qu’on a prises ensemble. Des réminiscences de moments de vadrouille, juste Cam et moi. Quand on roule sans savoir où on va. Nos dérives pour rejoindre une grande plage de sable, un nouveau soleil, des petites rues de villages typiques.
L’envie d’en décorer l’appartement me prend. Et si je créais un dossier pour stocker les photos que je vais coller aux murs ? Je pourrai glisser dedans toutes celles que je vais aller faire imprimer.
Je les regarde, une par une, et me raconte des histoires. Plein de souvenirs dans ma tête, et Cam, comme si je l’avais là, à mes côtés. J’entends ses mots dans mes oreilles. La musique de sa voix me berce pendant que je clique pour voir la photo suivante. D’un coup, son visage, grand sourire, envahit tout l’écran. Vite suivante ! La voir sans qu’elle soit vraiment là, me fait mal.
J’arrive sur celle d’une magnifique plage où on avait dormi à même le sable, apaisées par le bruit des vagues. On se tenait par la main, allongées l’une à côté de l’autre, à regarder les étoiles. On s’était retournées, face à face, puis elle était venue se lover, son dos contre mon ventre. Je l’avais entourée de mes bras et on avait passé la nuit comme ça. Quel bonheur de la sentir tout contre moi. Son dos contre ma poitrine, ses fesses contre mon ventre, nos jambes emmêlées, mes mains sur son petit corps. Je clique en arrière pour revoir son visage plein écran et son sourire m’en décroche un. Je reste fixée dessus et remarque dans ses yeux, l’étincelle qu’elle a souvent. Celle qui lui donne un regard malicieux. Elle est rigolote finalement, cette photo, je la glisse, avec celle de la plage, dans le dossier à imprimer. Mais je l’ai prise où ? Je ne sais plus…
Je continue et tombe sur une autre que j’avais prise alors qu’elle venait de se casser la gueule dans les dunes. Elle s’était pris les pieds dans une bruyère. Elle avait du sable partout sur elle, ça nous avait bien fait rire. Celle-là aussi, je la prends.
Au fur et à mesure que je passe les photos, le dossier d’impression se remplit. Mes yeux clignotent, j’arrête de les faire défiler et vais me coucher. À peine allongée, mon portable siffle.
Cam s’affiche. Ah, enfin des nouvelles ! Je ne savais pas que j’avais une famille aussi grande ! Que de cousins-cousines du côté de ma mère… Ça va toi ? Je t’embrasse très fort pour que tu passes une nuit avec toute ma douceur. Comme c’est gentil de penser à moi s’il y a tant de monde autour d’elle. Dans tous les gens qui t’entourent, tu vas bien trouver quelqu’un avec qui discuter un peu… Je vais dormir, je suis claquée. À très vite ma belle. Bisous.
Au réveil, je me repasse les photos que j’ai sélectionnées hier dans le dossier. Bon, elles sont vraiment sympas !
Je file au magasin trouver de jolis cadres en bois. Je ne sais pas quelle couleur choisir. J’en ai besoin d’au moins une vingtaine. Quand je vois les prix, ça va me coûter une blinde… De fait, c’est cher !
De retour devant l’ordinateur, je mets au format des cadres les photos que j’ai mises de côté. Je copie le dossier sur une clé et vais à la boutique spécialisée dans les tirages. Vache ! Presque aussi cher que les cadres !
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Cette nouvelle fait partie du recueil « Le palier » qui comprend :
Le palier – Arrangement – L’Argolide – Rassemblement – Yes, of courses ! – Lascives