– Un jour, Louise te dira qu’elle veut se lover au creux du monde que tu caches en tant de tendresse.

– Qu’est-ce que tu me chantes là ?

– Alors qu’elle rêve, tu vois ses images monter en fumée.

– Ah, là, tu es complètement flippée…

– Depuis très longtemps, tu n’as jamais été contrainte par quiconque, et elle le sait très bien.

– Mais pourquoi tu me dis ça ? Arrête !

Je me colle contre Cam qui écarte les bras pour m’accueillir. Mes larmes coulent doucement sur son épaule.

– Ne t’inquiète pas, elle reviendra.

Je la trouve bien optimiste.

– Je ne crois pas…

– Oui, Max, tu verras.

Elle me resserre et glisse la main dans mes cheveux. Sa douceur m’envahit. Je me laisse porter par ses gestes.

– Je sais, elle ne reviendra pas, j’en suis sûre.

Ma toute petite voix la fait s’agiter sur mon corps mou.

– Laisse faire le temps. Mais prends soin de toi.

 

Je me réveille dans ses bras. Je me suis endormie comme ça, on n’a pas bougé de la nuit ?

Il faut aller bosser. Le rythme infernal des matins de semaine se met en branle. Une demi-heure de cafés-clopes, la douche, les fringues et les chaussures, l’ascenseur. La grosse porte de l’immeuble et merde, il pleut ! On remonte chercher les casquettes.

Le trottoir en silence jusqu’au métro. Les bisous et elle traverse la place pour choper son bus. Je descends sur le quai pour attendre.

Une journée de rien. Enfin l’heure de partir, je m’échappe très vite des bureaux.

À l’appartement, je prépare à dîner. Je me donne du mal pour faire un truc chouette. Camille va rentrer crevée sûrement. Des petites herbes, de l’ail et tout, je patouille ma mixture dans la poêle.

Des trucs à grignoter pour attendre sur la table basse du salon, les assiettes et les couverts sur l’autre. Tout est bien installé. J’entends la clé dans la serrure. Cam !

– Waouh ! Ça sent super bon.

– Ah, je me suis fendue d’un truc pour que ce soit sympa…

– Humm. Il se passe quelque chose ?

– Non, rien, c’est juste comme ça, pour rien.

– Pour nous alors ?

– Oui, voilà, juste pour nous.

Elle vire sa pelure et j’apporte la bouteille de rosé.

– Ta journée ?

– Comme d’habitude… Faite de rien… Carrément de rien…

– Max…

Elle remplit les verres.

– On trinque ?

Sa tonalité est inhabituelle, mais elle a de drôles d’idées des fois !

– À quoi ?

– À toi, à moi, je ne sais pas, tout va bien, non ?

– Oui, si tu veux… On trinque.

Elle me regarde droit dans les yeux pendant qu’elle toque son verre contre le mien.

– Ah, là, tout un rituel !

– Ben Max, il faut le faire sérieux…

– Sérieux ?

– Oui, bon… Je sais que c’est un mot que tu ne connais pas… Mais il existe !

Je la vois bien pensive, limite emmerdée ou contrariée peut-être, je ne sais pas pourquoi.

– Cam, tu voulais souhaiter un truc ?

– En fait oui… Je pensais que toi aussi… Que c’était la raison de toute cette préparation…

– Ah non, j’ai fait ça pour rien, vraiment pour rien.

– Mais qu’est-ce que tu as dans le crâne, Max ?

– Ben non, rien…

– C’est bien ce qui me désespère !

Qu’est-ce qu’elle a à me choper comme ça ?

– Mais quoi ?

– Tu as une tête vide.

– Tu n’es pas cool ce soir… Moi j’ai fait tout ça pour toi, pour…

– Pour mon anniversaire.

– Ah putain merde ! C’est aujourd’hui ?

– On est le douze oui, le douze juin.

Je me trouve toute conne. Même pas foutue de me souvenir de sa date d’anniversaire.

– Je suis vraiment désolée…

– Pff… Tu ne changeras jamais.

Je cogite grave mais je trouve que dalle pour me rattraper.

– Demain, je te fais une surprise !

– Laisse tomber…

– Excuse-moi Cam… Mais tu le sais que les dates, ce n’est pas mon truc.

– Rien n’est ton truc… Des fois, tu me fatigues.

– Cam… Qu’est-ce que je peux faire ?

– Va chercher la bouffe, ce sera déjà ça.

Je ne la quitte pas des yeux. Mais comment j’ai pu oublier son anniversaire ?

Glaciale atmosphère ! Je la regarde souvent, le nez attiré par son assiette.

– C’est vraiment bon ton truc.

– Merci.

– Tu te rattrapes… Ta bouffe parle pour toi… Tu te rattrapes, juste un brin.

Je n’aime pas quand elle est mal. Une cervelle de poisson rouge qui tourne en rond la moitié du temps, quand ce n’est pas tout le temps. Quelle misère ! Demain, il faut vraiment que je trouve un truc pour que ma Cam me revienne comme avant.

– Ça va, Max ? Tu n’as pas l’air…

Malgré la froideur de la soirée, Cam s’inquiète de mon état !

– Si, si, ça va.

– Tu tires une gueule.

– Non, je te jure, ça va.

– Ben, on ne dirait pas… C’est Louise, non ?

– Peut-être, oui…

– Pense à toi, Max. Pense à nous aussi…

– Elle me manque quand même.

– Je le vois bien… Mais fais attention.

– À quoi ?

– Au décor !

Elle… Je ne sais pas où elle est depuis le temps… Mais elle me manque vraiment, ça, c’est sûr !

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Cette nouvelle fait partie du recueil « Le palier » qui comprend :

Le palier – Arrangement – L’Argolide – Rassemblement – Yes, of courses ! – Lascives