Je me rends compte que je peux m’échapper sur un coup de tête, pendant plusieurs mois, dans un endroit complètement désert, en oubliant ma boite de Tampax. Quel bonheur !

Allez, j’appelle Camille, ma copine de route.

– Dis ma belle, tu n’aurais pas envie de bouger par hasard ?

– Tu veux aller où ?

– Je ne sais pas, on va et puis on verra bien où ça nous mène.

– Tu me laisses deux jours, j’ai encore des congés à poser mais il faut que je gère avec les collègues du taf.

Deux jours… Deux jours… Si elle en a besoin ! En l’attendant, je me balade dans Paris… Là, je n’ai plus de boulot, pas de missions d’intérim, rien… Je peux faire comme je veux… Alors je ne fais rien, je végète toute la journée à regarder les gens, assise aux terrasses de bistrots… Deux jours, ce n’est pas trop long…

Je sors et plaf ! La pluie… Ras-le-bol de ce temps… Toujours prévoir un pébroque, une casquette, des chaussures adéquates… Du soleil, je veux du soleil…

Cam, dépêche-toi !

 

Le temps passe et elle débarque chez moi, en baskets, les mains dans les poches.

– Tu es prête ?

– Ah, c’est maintenant ?

– Deux jours, je t’avais dit… Juste deux jours !

Je ramasse quelques fringues que je jette en vrac dans un sac.

– Et toi, tes affaires ?

– Dans le coffre.

On descend les trois étages et sa voiture est en bas, le long du trottoir. On claque les portières et elle démarre.

– On va où ?

– Je ne sais pas, comme tu veux.

Je regarde Cam, concentrée sur la couleur obstinément rouge du feu tricolore. Mais je me demande quand même, combien de jours elle a pu avoir.

– L’endroit dépend du temps que tu as aussi.

– J’ai, j’ai… On verra bien où on va, mais j’en ai un peu, du temps.

– Bon, alors tout droit !

On n’avance vers rien… Le périphérique, l’autoroute et les voitures qui nous dépassent par le mauvais côté.

– Mets-toi sur la file de droite, là on gave tout le monde.

Elle se rabat, on continue… Une station-service et le café machine. Trop chaud ! Pipi et on repart… Je prends le volant et vais encore tout droit… Je suis les pointillés, ne pas sortir de l’autoroute, on ira jusqu’au bout ! Deux-trois petites heures et nous voilà avec la mer, juste à quelques kilomètres de nous. On sort de la quatre-voies. Je lui repasse le volant, qu’elle termine.

Le parking et l’étendue d’eau devant nous, à perte de vue… L’horizon se confond avec la brume du ciel. Ce n’est pas encore le soleil comme je voulais…

Les baskets dans la voiture et direct, les pieds nus dans le sable fin. Que c’est doux ! Marcher le long des vaguelettes qui déferlent à peine… Elles forment des rouleaux miniatures, le surf, là, ce n’est pas possible !

Ah, se pousser ! Une horde de chars à voile. Le bruit quand ils roulent à notre hauteur… La vitesse de glisse, sur cette immense plage, impressionnant ! Le troupeau est passé, enfin marcher comme on veut…

Toucher la mer, la main dedans, que c’est froid ! On ne va pas pouvoir se baigner… Dommage… Bronzer, du soleil ? Un peu moins de vent aussi. Il fait doux quand même, on ne va pas se plaindre…

Un petit creux et on se rapatrie vers les restos locaux.

– Une chambre, il faut qu’on se trouve une chambre.

Cam est très pragmatique des fois. Une piaule, ben oui, mais bon, on n’est pas pressées !

– On cherchera tout à l’heure…

– Tu veux rester là ou bouger ailleurs ?

– C’est bien là… Mais on fait comme tu veux, ça m’est égal…

Moi, je ne suis pas compliquée. Tout ce que je souhaite, c’est rester avec elle. Mais là ou plus loin, je m’en fous…

Après le déjeuner, on retourne sur la plage… Le vent s’est calmé et le soleil pointe le bout de son nez… On se pose les fesses au pied d’une petite dune et hop ! On s’allonge, les corps bien étalés dans le sable… Elle s’endort… Je la regarde, elle, la mer, puis encore elle. Elle respire tout doucement… Appuyée sur un coude, la tête dans une main, je la dessine avec l’autre… Elle se laisse faire, paisible… Je suis bien… Avec elle, je suis toujours bien… Elle sait me rattraper au vol et me poser par terre pour me permettre de rester en contact avec le monde… Elle sait très bien le faire et elle reste avec moi… J’ai tellement besoin d’elle…

Elle ouvre un œil et c’est un sourire sur son visage… Ma main se stabilise sur son ventre…

– Tu as dormi, toi ?

– Je t’ai regardée… Je t’ai… Tu dormais si bien…

– Humm… Tu as envie de changer de bled ?

– Pas plus que ça… La plage est aussi belle que toi…

– Et si on allait en face, sur l’île, je ne sais plus comment elle s’appelle, cette île.

– C’est… Heu… Je ne sais pas…

– On va se rencarder, tu veux ?

– Ce sera pour demain, là, c’est sûrement trop tard.

On remonte vers la civilisation, se chercher une piaule.

– Il te va, cet hôtel ?

– Celui-là ou un autre, c’est pareil, non ?

– Bon, celui-là !

On pénètre dans le hall.

– Mesdames, bonjour.

Mon état léthargique et Cam prend les choses en main.

– Bonjour, vous avez une chambre ?

– Une chambre, oui… Vue sur l’arrière ou vue sur mer ? Sur mer, c’est plus cher. Il m’en reste des deux côtés.

– Face à la mer, avec un balcon, c’est possible ?

– J’ai, mais qu’avec un grand lit.

– Ce n’est pas grave.

– Vous comptez rester combien de temps ?

– Une nuit déjà, après, on verra.

– Alors, je peux vous proposer la huit, au deuxième étage.

– On peut la voir ?

– Tenez, l’escalier est au fond du couloir.

Il nous refile la clé, on va au second. La huit… La huit… Ah, la voilà ! Elle glisse la clé dans le trou et la porte lâche… Entre les quatre murs, ce n’est pas très grand… La salle de bain…

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Cette nouvelle fait partie du recueil « Le blouson » qui comprend :

Le blouson – Cinquante et plus – L’annonce – Chahut – Son ex – Passion