Je reçois un texto. Bonjour, je suis Léopold. Louise m’a dit de vous contacter. J’aimerai vous avoir au restaurant ce soir. Le texto est suivi d’une adresse, d’une heure de rendez-vous. Louise… Cette chère Louise ! Mais quand même, depuis quand elle donne mon numéro à un mec que je ne connais pas ? Je n’y comprends rien, je vais y aller avec Camille. Ce soir, je t’emmène dîner au resto. Elle revient assez vite. J’ai ma réunion, je ne serai pas là de bonne heure, mais ok pour le resto. Bon, on ira quand elle arrivera.

La voilà enfin, elle se pose dans le salon devant un apéro.

– Pourquoi tu m’invites au resto ?

– C’est moi qu’on invite, mais je t’emmène.

Brusquement, elle se lève.

– Je vais me préparer !

– Dépêche-toi, on va arriver et il n’y aura plus de place.

– C’est si petit ?

– Je ne sais pas, je ne connais pas…

– Ah ? Bon, je fais vite !

Camille va trainer dans la salle de bain. J’entends l’eau qui coule. Elle prend une douche ? Comme si c’était le moment ! Le bruit s’arrête et la porte s’ouvre enfin, elle arrive dans le salon. Je suis vautrée dans un fauteuil et elle est là, plantée devant moi, les bras ballants.

– Ben qu’est-ce que tu fais à poil ? Enfile des fringues !

– Je mets quoi ?

– Mais on s’en fout…

– Max, dis-moi.

– Un jean, un pull en V, des baskets, je ne sais pas moi, on s’en fout…

Elle chope un petit gâteau.

– Ce soir, je veux être la plous belle.

J’attrape un chapeau.

– Tiens voilà le couvercle !

Je me lève, lui prends la main et la conduis dans sa chambre. La penderie, je tripote les cintres, les fais glisser sous mes doigts et regarde ses vêtements.

– Tiens, ça, c’est superbe !

– Il faudra que je mette des chaussures aussi.

– Ah, là, obligé ! En même temps, si tu veux vraiment être la plus belle, il faut ce qu’il faut !

– Mmm… C’est pour toi…

– Pour moi ?

– Ben oui…

– Allez, arrête de dire des conneries, enfile ça.

J’accompagne mes mots d’une petite tape sur ses fesses nues, toutes blanches.

– Ça manque de soleil tout ça !

Elle se retourne très vite alors que je bascule sur le lit.

– Hé ! Tu ne t’es pas regardée !

– Allez, active-toi un peu, j’ai carrément faim.

Elle n’en finit pas avec ses fringues. Elle tire dessus pour qu’ils prennent la forme de son petit corps, se regarde dans le miroir, tourne sur elle-même. Vers moi, elle écarte les bras et tourne encore.

– Ça va comme ça ? Je te plais ?

– C’est parfait, tu es parfaite. Les chaussures maintenant.

– Ah oui. Lesquelles je prends.

Elle trifouille dans le bas de sa penderie et sort des escarpins noirs.

– Je mets ceux-là ?

– Ce n’est pas un peu haut ?

– De…

– Les talons.

– Non, ça va le faire.

Elle les enfile, ça lui va si bien. Je claque des mains sur mes cuisses.

– J’ai l’air de quoi, moi, maintenant ?

– Tu veux des trucs ?

– Non, c’est bon, pas le temps… Et puis, je m’en fous tellement… Allez, en route !

On arpente le trottoir jusqu’au métro. Il fait doux. L’escalier, les tourniquets et encore les escaliers. Le quai et l’attente. D’un coup, Cam se tourne vers moi, le regard brillant.

– Mais on va où ?

– Au resto d’un certain Léopold.

– C’est qui ce Léopold ?

– Je ne sais pas… Un pote de Louise, l’idée vient d’elle.

– Louise ? Mais pourquoi ?

– Je ne sais pas. Une envie… Ou une autre raison…

Elle glisse la main le long de ma cuisse. Le train arrive, on monte et on s’installe.

– Une envie de quoi ? Il y a un truc que tu ne me dis pas, toi.

– Non, rien… Je n’en sais pas plus…

– Menteuse !

– Je t’assure, je ne sais pas ce qu’on fout là.

Pourquoi Louise lui a dit de m’appeler ? Pourquoi je vais dîner dans ce resto avec Cam ? Pendant que je réfléchis, le métro nous emporte.

– C’est vraiment Louise qui t’a collé ce mec dans les pattes ?

– Ben oui… Mais pourquoi ? Ça, je ne sais pas…

On regarde par les vitres dégueulasses, le noir des tunnels. J’y vois le reflet de son visage. Ses yeux croisent les miens, son sourire, on se retourne face à face.

– Bon, Max… Dis-moi ce qu’on va foutre chez ce Léopold.

– J’ai reçu un texto où il me proposait de venir dîner ce soir. Il disait que c’était Louise qui lui avait dit de me contacter.

– Ah… Et moi, tu crois que ça va lui faire plaisir que je fasse partie de la soirée ?

– Jalouse ! C’est juste un pote de Louise… Je ne sais pas ce qu’il me veut…

– Mystère…

La station où il faut changer de métro. Les couloirs, la crasse, les odeurs, les gens et un nouveau quai. Du monde, on plante debout.

Assises l’une à côté de l’autre sur les strapontins, on a vue sur les fesses de ceux qui se tiennent au poteau central. Elles se tendent lorsque le métro tourne dans un bruit métallique infernal. Elles se relâchent lorsque ça va tout droit. Nos genoux se touchent par intermittence.

– C’est là.

On se lève et les strapontins claquent dans notre dos.

Je m’arrête devant le panneau du quartier pour trouver la bonne sortie. Je ne sais pas où c’est.

On s’enfile tout le quai, il faut sortir en tête. Les escaliers, il y a au moins trois étages à monter pour respirer.

On trouve enfin le resto. La porte est lourde, on entre. Une jeune nana vient nous accueillir.

– Bonsoir mesdames, vous êtes deux ?

– Apparemment, oui… Bonsoir…

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Cette nouvelle fait partie du recueil « Mariage » qui comprend : 

Mariage – La mère de Cam – Et elle s’appelle ? – Maison de pêcheur – Cuisine – On aura tout vu !