Je suis à peine sortie du lit, que je reçois un texto de Camille. La voilà… Mais de quoi elle parle ? Voilà qui ? Elle revient très vite. Ma mère ! Ah, ben, sa mère… La précision qui va lui pourrir sa journée. Je ne l’ai jamais vue, juste Cam m’en a parlé un peu, mais très peu… Elle vient pour combien de temps ? Là, c’est plus long… Au moins une semaine… Pff ! Sa mère pendant huit jours, pauvre Camille ! Pourvu qu’elle ne veuille pas revisiter tout Paris.
La journée de taf.
Je franchis le pas de la porte et mon portable vibre. Cam.
– Tu fais quoi ce soir ?
– Ben rien, je ne sais pas, tu as besoin ?
– C’est ma mère… Je ne sais pas quoi en faire…
– Je viens lui tailler une bavette, si tu veux.
– Ce serait sympa, comme elle a tendance à tourner en boucle, j’avoue que des fois, elle me fatigue.
– Je passe.
– Tu viens dîner ?
– Si tu veux…
– Merci tout plein ma belle.
Je range un peu chez moi, c’est vraiment le bazar. Le salon, c’est limite Beyrouth.
Il serait temps que je me bouge. Une douche, je me change et j’y vais. Trois quatre rues à traverser et me voilà sur son palier. J’hésite… Mais Cam a besoin, je frappe tout doucement.
– Merci ma petite douceur.
– Elle est où ?
– Au salon, elle comate dans le canapé. On fait tout doux et on se pose dans la cuisine.
Je jette juste un œil, elle dort. Nous voilà dans la minuscule cuisine en attendant que sa mère refasse surface.
– Tu veux l’emmener dîner dehors ?
– Si on commence comme ça, elle risque d’y prendre goût.
– On va attendre un peu… Pas le premier soir !
– J’ai de quoi lui faire un petit frichti.
– Bon, je t’aide.
On s’affaire quand une ombre franchit le pas de la porte.
– Bonsoir ?
– Je te présente mon amie, Maxime.
– Madame…
– Louise, appelez-moi Louise.
La mère s’approche pour me coller les bisous.
Camille lui largue assiettes et couverts dans les bras.
– Tiens, tu installes sur la grande table ?
– Oui, ma chérie.
Elle dérape avec son chargement.
– Comment elle me gonfle à m’appeler ma chérie.
– Mais tu es sa petite chérie !
– Pff…
– Allez, active-toi, plus vite on aura dîné, plus vite elle ira au lit.
– Elle va me squatter le salon pendant une semaine.
– Il faut bien qu’elle se cale quelque part… Tu la préfères dans ton pieu ?
– Mais ça ne va pas, non ! Mon lit, c’est mon lit.
– Alors, c’est obligé… Le canapé du salon !
Louise revient toute souriante.
– Je peux vous aider ?
– Ça va, on se débrouille…
– Mais vous êtes sans doute fatiguées, je vais continuer.
– Pose-toi dans le salon, maman, on n’en a pas pour longtemps.
Elle dérape.
– Tu l’appelles maman ?
– Et tu veux que je dise comment ?
– Je ne sais pas, son prénom… Là, ça me fait drôle…
– Ben moi, ça me fait rire moyen qu’elle soit là.
– Ah, Cam, une semaine, c’est juste quelques jours…
– Quelques jours de trop !
– Bouh, allez, si tu veux, je viendrai souvent, je vais m’en occuper un peu, ça passera plus vite.
– Tu es trop mignonne.
On se cale autour de la table dressée par la mère.
– Vous travaillez ensemble, dans la même entreprise ?
– Max est une copine de la vie, pas de boulot.
La mère se tourne vers moi.
– Et vous vous connaissez de longue date ?
Mais c’est Cam qui lui répond.
– Écoute, on ne va pas te refaire toute l’histoire.
Je la sens bouillir sur place, il faut que je prenne le relais.
– Ça doit faire dans les trente-cinq ans qu’on se croise, peut-être plus, je ne sais pas…
– Une amie d’enfance en somme.
– C’est ça, je suis une amie d’enfance…
– Et vous travaillez où ?
– N’importe, je travaille juste de temps en temps.
– Ah…
– Moi, je travaille toute la semaine.
Sa mère prend un air désespéré.
– Et je vais faire quoi, moi ?
– Tu me préviens au dernier moment, comment veux-tu que je fasse ?
Cam me regarde, ses yeux à elle aussi expriment une certaine détresse. Occuper Louise toute la journée… Que faire ?
– Je peux vous…
En fait, je ne sais pas ce que je peux lui proposer. Un peu, je veux bien, mais un plein temps avec la vieille, ça va être chaud !
– On verra demain…
Voilà, demain… Cam a raison… Demain…
On débarrasse la table et c’est l’heure de déplier le canapé pour lui faire son lit. On pousse un peu tout. Des draps et hop, c’est fini.
– Vous allez dormir où Maxime ?
– Dans la chambre de Camille.
– Par terre ?
– Heu… Oui… Sans doute… Mais ce n’est pas grave…
On la plante. Dans la piaule, je rigole.
– Chiche, je dors par terre ?
– Arrête tes conneries, allez, viens.
– Qu’est-ce que je fais de ta mère demain ? Elle aime quoi ?
– Les musées…
– Ah, merde !
– Si tu veux bien, juste tu l’emmènes, elle ne comprend rien au métro.
– Alors, je la pose devant, mais je ne rentre pas, j’attends dehors.
Elle me sourit, écarte le bras. Je viens me coller tout contre, elle m’entoure.
Au petit matin, Cam se prépare alors que je suis encore penchée sur mon café.
– Elle prend quoi au petit déjeuner, ta mère ?
– Je n’en sais rien, du thé je crois… Mais elle mange aussi.
– Ah, là, je ne vais pas lui beurrer ses tartines.
– On sort tout et elle se démerde. Le mieux, c’est que quand elle déboule, tu files sous la douche et tu prends ton temps.
– Mmm…
– Ma mère, c’est…
– Ta mère !
Camille me regarde avec un pincement aux lèvres.
– Ne t’inquiète pas, je vais la gérer ta mère, au moins aujourd’hui.
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Cette nouvelle fait partie du recueil « Mariage » qui comprend :
Mariage – La mère de Cam – Et elle s’appelle ? – Maison de pêcheur – Cuisine – On aura tout vu !