Je me prépare… Un TGV dimanche après-midi pour le sud. Un stage qui va me faire abandonner Camille pendant cinq jours… Cinq jours sans elle…
J’emmène quoi ? Des trucs chauds, des trucs légers, je ne sais pas.
Le nez entre mon placard et mon sac, et mon téléphone vibre tout seul sur la table. Je ne regarde pas. Pas envie !
L’heure tourne et c’est le moment de partir l’attraper ce TGV.
Cam me rejoint avant le départ.
– Tu as pris tout ce que tu voulais ?
– Tout ce que je peux surtout…
– Un petit sac reste un petit sac.
– Ça me suffira bien… Je n’ai pas besoin de grand-chose.
Elle m’accompagne jusqu’à la gare. Sur le quai, devant la porte du wagon, elle me serre contre elle.
– Je reviens très vite.
– Tes cinq jours sont incompressibles, non ?
– Je reviens vite quand même.
– Je t’attends.
On s’embrasse, je monte et disparais dans le couloir.
Ma place… Cinq heures sans fumer, galère !
À peine arrivée et c’est la clope au bec. J’ai du soleil plein les yeux. Je chope un taxi pour m’emmener à l’hôtel, je ne sais pas où c’est, le bled… Une dizaine de kilomètres quand même. Me voilà enfin débarquée dans le lieu.
Je vire dans la piaule, me pose un instant, m’installe un peu.
C’est le moment de bouger. Je vais dans le monde, une grande salle pour les repas. Je ne sais pas comment m’y prendre. La pension complète, ça comprend quoi au juste ? Je suis paumée au milieu des tables. Des gens mangent déjà, des plats présentés où il n’y a qu’à se servir. Les carafes qui stagnent sur une autre table. Une serveuse me voit bien égarée et vient me sauver.
– Vous êtes du stage ?
– Je suis un peu perdue…
– Venez, il y a déjà d’autres personnes comme vous qui sont installées à une table, vous pourriez dîner avec elles.
Elle me guide jusqu’à la table en question et là, je vois une petite nana qui mange toute seule.
– Tu es là pour le stage ?
– Oui…
– On s’installe ?
Son sourire ! Je reste devant, les bras ballants. Mon pauvre sourire à moi en retour ne vaut pas le quart du sien. Je le lui donne quand même accompagné de mon regard. Ses yeux rient déjà. Son petit corps se meut doucement sur sa chaise, les nombreux mouvements de son visage font rayonner sa frimousse. Mes yeux dans son sourire. Ses yeux dans mon regard. Son expression m’indique qu’elle est partante pour partager le dîner avec moi. Elle s’ouvre, se déplie, se lève, prend son assiette et change de table. Elle se déplace avec vivacité, mais ça reste presque lent. C’est drôle, elle est tonique et fluide à la fois. Je la suis sans faire de bruit.
La serveuse nous avait préparé une table plus grande, ce sera plus pratique… Les autres personnes du stage arrivent les unes après les autres. Tout le monde se pose autour de nous, à cette grande table. Sans doute encore un truc dans mon regard parce que la petite nana accroche direct et tout s’enchaîne très vite.
Je suis assise à côté d’elle et on commence à papoter doucement, à voix basse, toutes les deux. Je ne sais plus pourquoi, ce qu’elle a dit, ou si c’est moi qui dis un truc, mais d’un coup, on part en fou rire.
Les autres nous regardent. Une question se lit tellement dans leurs yeux. Vous vous connaissez déjà ? Eh ben non, on ne se connaît pas !
Le dîner est plutôt sympa avec cette nana. Elle, c’est Louise. Les autres s’immiscent dans notre conversation, se présentent au milieu de nos rires…
Vers onze heures, je me sépare d’elle, dans le couloir. Je retrouve ma piaule, la sienne est presque en face. J’ai bien rigolé ce soir, si le reste de la semaine est comme ça, ça va être trop cool. On a bien bu aussi, le vin est à volonté, ce n’est pas facile de résister… Au calme, je me retourne vers Cam pour lui faire un gros bisou par texto.
Premier jour de stage. Louise vient me chercher dans ma chambre et on prend le café. Elle va remplir ma tasse en même temps que la sienne. Elle est bien cette meuf, moi le matin j’ai du mal à être au taquet direct. Alors qu’elle, dès qu’elle vient me chercher dans ma piaule, elle affiche une banane d’enfer !
On se bouge doucement de la table de la terrasse jusqu’à nos cases pour prendre nos affaires et aller suivre le stage pour lequel on est payés au soleil.
Le mec qui anime démarre son speech quand mon téléphone ébranle la table. Cam vient vers moi. Je pense bien à toi.
On continue à l’écouter, à prendre des notes et tout et tout.
Mon portable recommence son cirque sur la table, les autres se retournent. C’est toujours Camille. C’est intéressant ? Sois bonne ma belle, profite !
La journée passe. Je suis autant prise par les encouragements de Cam que par les sourires de Louise et les fous rires qu’on partage toutes les deux. Le contenu du stage, par contre, il passe un peu loin de moi…
En début de soirée, après m’être isolée un moment, je retourne avec Louise. On continue à se découvrir doucement, dès que ça se présente à nous, on explose de rires. C’est fou comme on dévisse vite. Les autres, essentiellement des femmes, nous regardent nous marrer sans rien comprendre.
La nuit, encore une.
Deuxième jour de stage. Louise vient toquer à la porte de ma chambre. On va ensemble sur la terrasse. Je prends mon grand café tranquille. Louise me ressert à volonté. Elle est vraiment très attentionnée cette nana.
En salle de travail, je ne capte pas grand-chose à ce que nous bavasse l’animateur. Tout le monde a l’air de suivre alors je ne dis rien. Je regarde par la fenêtre, la couleur du ciel. Au passage, mon regard tombe sur le profil de Louise. Elle écoute, trop sérieuse.
En début d’après-midi, l’animateur pose ses questions.
– Comment vous vous sentez ?
Une pouffette s’empresse de lui répondre.
– Je tente de me déplier…
Alors là, je ne peux pas m’en empêcher !
– C’est ton petit côté Quechua ?
Je lâche ça direct comme ça me vient à l’esprit. Racrapotée sur sa chaise, la minette me regarde sans comprendre. Se déplier… Ça lui ferait du bien, elle qui a l’air tellement coincé. Louise est écroulée de rire. Mes réflexions qui continuent tout au long de la journée. Bon, il y a une femme, la quatrième stagiaire, je sens que ce n’est pas sa tasse de thé mes blagounettes, mais je m’en fous, je continue. Louise prend bien soin de pas se tourner vers moi pour éviter qu’on parte en vrille. Je vois juste son profil. Comme je passe beaucoup de temps à mater le ciel par la fenêtre, ce profil, mes yeux le croisent tout le temps et s’y arrêtent.
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Cette nouvelle fait partie du recueil « Le blouson » qui comprend :
Le blouson – Cinquante et plus – L’annonce – Chahut – Son ex – Passion